1. le complexe religieux de Philae à l’époque romaine

A- les aménagements du temple à l’époque romaine

En -31, après la bataille navale d’Actium , la puissance ptolémaïque est totalement détruite. La dernière Pharaonne grecque, Cléopâtre VII, se suicide en -30 quand les troupes romaines entre dans l’Alexandrie. Aussitôt la Thébaïde se révolte. C’est pourquoi le général romains Caius Cornelius Gallus, un ami proche d’Auguste, à reçu l’ordre de matter cette révoltes et d’achever la conquête du pays. Il réussit à mater la révolte en 15 jours. Pour célébrer sa victoire, Caius Cornelius Gallus fit graver un stèle trilingue à Philae pour célébrer ses exploits, sous couvert de servir l’empereur Auguste.

Cette stèle est extrêmement intéressante pour plusieurs raisons:

• Elle est trilingue

• Elle permet de montrer l’importance de Philae à cette époque

• On peut voir sur la stèle qu’Auguste possédait déjà une véritable titulaire royale.

En fait, l’Egypte était belle et bien une province romaine. Cependant, en raison de sa richesse, de la fertilité de ces terres (elle est le “grenier à blé” de Rome) et de sa culture plurimillénaire, elle occupe un statut spécial. l’Egypte était une terre exclusivement dirigée par l’empereur. Ainsi le Sénat n’avait aucun droit de regard sur la politique de l’empereur sur ces terres. De plus, aucun sénateur et hauts fonctionnaires n’avait l’autorisation de pénétrer en Egypte sans l’accord direct de l’empereur. Les Empereurs sont de véritables pharaons : ils adoptent la titulature royale, se font représenter sous les traits traditionnels des pharaons et disent respecter la Maât. Cependant, l'Empereur ne réside pas en Egypte. Ils ne seront d’ailleurs jamais couronnés comme ce fut le cas avec les Ptolémée. Il est représenté par un gouverneur. Par ailleurs, le 1er d’entre eux fut Caius Cornelius Gallus.

En tout cas, les pharaons romains ne vont pas détruire les antiques institutions sacerdotales mais vont plutôt les utiliser comme instrument pour assurer la stabilité politique du pays et contrôler la population, d’où leurs politiques de mécènes à l’égard des temples. A Philae,cette politique de grands travaux se manifesta sous 3 empereurs:

Auguste: Il finit la construction du temple d’Hathor et du temple d’Horus Harendotes. C’est également sous son règne que le temple d’Osiris à Biggeh fut agrandi. A sa mort en 14 après J.C, une petite chapelle fut construite.

Trajan: Sous Trajan (98 à 117), la Porte de Trajan est créée. Cet édifice contenait le reposoir de la processionnelle de la déesse Isis. Cet édifice, caractéristique avec ces 14 colonnes Papyriforme, ne fut jamais terminé et la seule partie du temple décorée se trouve du côté interne sud, où l’on peut voir des scènes d’offrandes où figure l’empereur Trajan.

“La porte d'Hadrien” : Ce bâtiment, construit par le successeur de Trajan, Hadrien (118 à 138), est le dernier grand bâtiment de la religion traditionnel à être construit sur l’île. En fait, il s’agit d’un embarcadère qui pointé l’île de Biggeh, avant le déplacement du temple. C’était le lieu de départ de la procession qui devait emmener la statue d’Isis sur l’île de Biggeh. On a aussi retrouvé sur les parois de ce temple le décret de l’Abaton qui précise les règles conservant le culte d'Osiris sur l’île de Biggeh.

“La porte de Dioclétien”: Le dernier monument construit par un empereur romain fut un arc de Triomphe, que l’on appelle “Porte de Dioclétien”, étant donné que l’on a retrouvé son nom sur l’arc.

B- Le Temple et les nubiens

Avec la conquête de l’Egypte par Auguste, les conflits avec les Nubiens ne cessent pas pour autant. Comme le décrit Strabon, dans son ouvrage La Géographie, il eut une série de conflits entre Rome (dirigé par le gouverneur Caius Petronius) et le royaume de Méroé (diriger par la Candace (=reine mère) Amanirenas) entre -25 et -21, qui se termina par le traité de Samos. Ce traité rend la Triacontaschène au royaume Méroïtique. De plus, le Dodécaschène devient un État tampon entre l’Egypte et le royaume méroïtique. Officiellement dirigé par Rome, qui y envoie des stratèges, c’est en fait les élites sacerdotales des temples, avec Philae en tête, qui dirigent cette région. C’est véritablement à cette époque que Philae est au sommet de sa puissance. C’est à cette époque que sont construits les derniers grands édifices à Philae. Le complexe religieux de Philae atteint une renommée dans l’ensemble du monde gréco-romains. Les romains, les grecs, les égyptiens, comme les nubiens, viennent nombreux en pèlerinage à Philae. De plus, la statue de la déesse est régulièrement amenée en procession dans les temples nubiens.

Cependant le III et le IVe siècle correspond à une période d’instabilité politique pour:

• Rome : l’empire romain est en pleine anarchie militaire au IIIe siècle. Cela entraîne aussi une crise économique qui frappe l’ensemble de l’empire romain. Or les grands temples devaient faire face à des dépenses considérables (entretien des temples, entretiens des prêtres, et les dépenses cultuel). La baisse des revenus entraîne une baisse des activités voir même la suppression de certains cultes sur l’île. De plus, en 298, l’empereur Dioclétien abandonne le Dodécaschène, faute de troupe pour la défendre. Cela privera Philae d’une très grande part de ces revenus.

• Méroé, attaqué de plus en plus souvent par des peuples nomades et finalement envahi par ces derniers en environ 330 après JC

Cela va contribuer au déclin de Philae. D’autant plus qu’à cette époque une nouvelle religion se développe en Egypte, concurrencent les cultures traditionnelles, le Christianisme…

C- Philae, le dernier refuge du Polythéisme égyptien

D’après le premier historien chrétien, Eusèbe de Césarée, le christianisme se développa tout d’abord à Alexandrie. Ce serait l’apôtre Marc qui aurait évangélisé l’Egypte après l’assasinat de Pierre. En tout cas, le christianisme se développa rapidement au 1er siècle après JC parmi les élites grec mais il faudra réellement attendre le IVe siècle avec, la proclamation de l'édit de Milan, en 312, pour voir cette religion se développer dans le reste de l’Egypte. Avec cet édit, toute les religions sont tolérées au sein de l’empire et en particulier le christianisme, qui se développe alors de façon fulgurante. Constantin se convertit lui-même au christianisme sur son lit de mort. Après lui quasiment tous les empereurs seront chrétiens et donc logiquement arrêteront de financer les cultes égyptiens.

En 385, l’empereur Théodose 1er le grand, avec l’édit de Thessalonique, proclame le christianisme, religion d'État. Par la même occasion, les anciens cultes polythéistes et les religions minoritaires (tel le mithraïsme et le manichéisme) sont interdits et leurs lieux de cultes sont transformés en églises. Cependant, cette mesure est mal respectée au marge de l’empire, comme c’est le cas de Philae.

Cependant, au IVe siècle, même si le polythéisme continue à survivre, il est déjà au crépuscule de son existence. Les Temples autres que celui ne sont plus utilisés comme le prouve les graffitis: au III on a retrouvé plus de 66 inscriptions réparties sur l’ensemble du complexe, au IVe siècle, 12 inscriptions situées sur le temple d’Isis.

Le graffiti n°436 est une inscription gravée par Esmet-Akhom, pour Mandoulis sur une paroi de la “porte d’Hadrien”. Ce graffiti est en fait la dernière inscription en hiéroglyphe de toute l’histoire. Il est daté de l’année 110 du règne de Dioclétien, soit 394 après JC, donc 89 après la mort de Dioclétien survenu en 305. On constate donc qu’à Philae, les prêtres ont continué à pratiquer le calendrier traditionnel de la religion égyptienne mais on refusait de reconnaître les empereurs chrétiens comme étant des pharaons. En tout cas, sa connaissance des hiéroglyphes étaient très limiter, les hiéroglyphes étaient plutôt mal réalisé et la transcription en démotique juste à côté montre clairement que l’ensemble des prêtres ne disposait plus du savoir des hiéroglyphes est avait donc besoin de ce texte en démotique pour comprendre.

En 425, le gouverneur d’Egypte a autorisé les Nubiens a continué à pratiquer le culte d’Isis et a autorisé que la statue d’Isis soit portée en procession chaque année par les nubiens dans leurs temples. Cependant cela n’empêchera pas l’empereur Justinien en 537 à fermer le temple d’Isis pour le transformer en église dédiée à St Etienne (1er martyr).

La fermeture du temple d’Isis à Philae a souvent été décrite comme étant violente. Après tout, on a retrouvé des scènes de saccage partout dans le temple. De plus, l’auteur Procope, un païens opposé à Justinien, a par ailleurs décrit dans son ouvrage Guerres Perses la fermeture du temple. Même dans l’hagiographie copte, l’on retrouve des scènes violentes comme c’est le cas de la vie de St Macédonius, qui aurait été le 1er évêque de Philae vers 330 et aurait tué le faucon adoré par les païens.

Selon certains chercheurs, la vision de Procope ne peut être exacte étant donné que les lieux font partie des temples les mieux préservés d’Egypte. De plus, les païens et les chrétiens cohabitaient de façon pacifique depuis le IVe siècle. Les archéologues ont même retrouvé des vestiges archéologiques d'Église datant de cette période sur l’île.

Il est plus logique que les derniers fidèles d’Isis à Philae auraient disparu dans les années “450”. Vers 452, date Les dernières inscriptions en démotique. Elle aurait été écrite par Esmet l’ancien et par Esmet le jeune, frère de Esmet-Akhom. Par ailleurs, cette famille aurait été lui, voir la dernière famille de prêtres à officier à Philae. Puis les dernières inscriptions païens datent de 457 avec les dernières inscriptions en grec de la part de cette famille.

C'est probablement vers cette époque que le polythéisme égyptien disparu à Philae. Quant à Justinien, il aurait juste transformé un ancien temple païens qui aurait été depuis un certain temps abandonné.